Dictionnaires des termes du blason - Rietstap
Planche 7
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Cette planche a pour but de donner un léger aperçu 
des traits caractéristiques qui distinguèrent l'art héraldique au moyen-âge. Nous n'avons pu 
qu'effleurer un si vaste sujet, mais nous aimons à croire que 
ces quelques exemples suffiront pour appeler l'attention des amateurs sur un genre d'études, à la fois 
artistique et archéologique, où ils trouveront autant 
d'agrément que d'instruction. 
Les fig. 1—8 donnent quelques beaux spécimens du 
diapré, que l'on rencontre surtout dans les sceaux. 
Les anciens artistes ne souffraient pas les espaces 
vide ni dans l'écu, ni au-dehors. et s'efforçaient à 
les diversifier par des feuillages, des rosettes, des lignes en sens divers, dont le choix était arbitraire et 
dépendait du goût. Cette ornementation n'avant aucune valeur réelle, pouvait être changée d'un moment 
à l'autre, et comme elle ne formait pas une partie 
intégrante des armes, elle pouvait être négligée tout- 
à-fait. Dans les représentations coloriées, ce diapré 
était exécuté dans la même couleur que le fond sur 
lequel il était appliqué, mais afin de le faire ressor- 
tir les nuances différaient; le diapré était d'une teinte 
plus claire sur un fond plus foncé ou plus foncée sur 
un fond plus clair. 
L'écu n°1 contient une simple bande et le n° 2 une 
simple croix; le champ est diapré. Le n° 3 représente les armes de la famille anglaise de Vere, 
qui consistent en un simple écartelé, chargé d'une 
étoile dans le premier quartier. Chaque quartier est 
diapré de la manière la plus compliquée, mais il 
mérite l'attention des curieux que les quartiers du 
même émail sont également distingués par la même 
sorte de diapré. L'écu est écartelé de gueules et 
d'or, et l'on voit que les deux quartiers de gueules 
diffèrent par leur diapré des deux quartiers d'or. Le 
n°4 est un écu coupé, dont chaque moitié nous 
montre un diapré en forme de branchages. On remarquera en même temps que le contour de 
l'écusson accuse les temps de la Renaissance. Le n°5 
offre encore un des plus beaux spécimens du diapré; c'est l'écusson échiqueté de la famille anglaise 
de Warren, où chaque carreau est devenu un petit 
chef d'oeuvre de patience de la part de l'artiste. Le 
n°6 figure les armoiries de la même famille, diaprées d'une tout autre manière. Enfin, dans les 
n°7 et 8 l'artiste s'est borné à la décoration de la bande 
et des deux fasces, sans s'occuper du champ. Cette 
circonstance nous donne la preuve que ces écus datent d'un temps relativement moderne. 
Viennent ensuite quelques échantillons de lions. Le 
premier et plus ancien porte le pied dextre levé d'une 
manière qui semble peu naturelle, mais qui était la 
conséquence forcée de la forme triangulaire des écus 
aux temps chevaleresques, qui n'avaient à leur base 
pas assez d'espace pour que les pieds du lion pus- 
sent s'y trouver à leur aise. A mesure que les écus 
perdent cette forme et s'élargissent à leur base, ce 
pied va toujours s'abaissant,jusqu'à ce qu'il se trouve 
sur la même ligne que l'autre pied, parce que l'écu, 
arrondi en bas, en fournit l'occasion. 
Aux premiers temps de l'art héraldique, les lions n'avaient pas de langue et le bouquet de leur queue 
était tourné en dedans. Plus tard, ils recurent une 
langue et la queue était tournée en dehors, mais les 
ongles restaient toujours saillantes. 
Le premier lion, n°9, date de la seconde moitié du 12e 
siècle et se trouve sur un bas relief en pierre, provenant du ci-devant couvent de Steingaden et 
conservé au musée de Munich. Son corps est couvert 
de poils bouclés. Dans la sculpture, il est placé 
dans un écusson triangulaire, et la règle ancienne 
que le meuble doit remplir autant que possible le 
champ de l'écu, sans laisser d'espace de quelque im- 
portance, y est trop bien observé, car les ongles de 
la patte senestre et du pied senestre dépassent le 
contour de l'écu et s'étendent au-dehors. 
Le n°10 est une représentation du lion de la maison 
de Hesse sur l'écu original du landgrave Henri de 
Thuringe (mort en 1298), suspendu dans l'église 
Sainte-Elisabeth, à Marburg. 
Le lion du n°11 se trouve sur un vitrail de l'hôtel de 
ville à Wasserburg sur l'Inn, en Bavière, dont il 
est le blason, et date de la première moitié du 14e 
siècle. Quoiqu'il porte encore le caractère du style 
moyen-âge, il commence à s'approcher du type des 
temps modernes. 
Le quatrième lion, n°12, est représenté sur une feuille 
d'un armorial hollandais portant le millésime 1542, 
qui, il y a peu d'années, a été sauvé de la destruction par M. J.-C. van der Muelen, à la Haye. Par 
ses ongles fortement accusées et sa queue tournée en 
dedans, il fournit la preuve que, au milieu du 16e 
siècle, les anciennes traditions héraldiques n'étaient 
pas encore tombées en oubli, mais retenaient au contraire toute leur force. 
Les aigles n'ont pas subi moins de variations de forme 
que les lions. Comme ceux-ci, ils étaient dans l'origine 
privés de langue et avaient une attitude contrainte, 
qui était la conséquence de la forme triangulaire des écus. Les pattes se dirigeaient presque 
perpendiculairement en bas et les ailes étaient tou- 
jours abaissées, parceque les dimensions de l'écu 
ne permettaient pas de les éployer. 
La première aigle, n°13, est empruntée à un sceau du 
comte palatin Otton de Wittelsbach, attaché à une 
charte de l'an 1207, conservée aux archives d'état 
à Munich. Par rapport à la date, la deuxième aigle, 
n°14, d'un type différent pour ce qui regarde les 
ailes et la queue, est contemporaine, car elle se 
trouve sur un sceau d'un comte d'Arnsberg de l'an 
1208, conservé aux mêmes archives. 
L'aigle, n°15, du commencement du 16e siècle, représentée sur le monument d'un abbé de Saint-Alban, 
à Londres, offre un exemple remarquable de la liberté 
que les anciens artistes pratiquaient en exécutant des armoiries et du savoir-faire dont ils firent 
preuve en se conformant aux exigences de lieu et 
d'espace. L'écu, dans lequel cette aigle se trouve 
placée, est trop rétréci et ne comporte pas le dé- 
ployement des ailes. Eb bien, le sculpteur auquel 
ce travail était confié, tournait les grosses plumes 
des ailes en dedans et trouvait encore moyen d'y 
donner des contours gracieux. Les plumes, qui cou- 
vrent le corps de l'aigle, sont traitées dans le vrai 
style ornemental. 
Nous ne donnons qu'un seul exemple d'une aigle 
éployée du 14e siècle, n°16. Il nous serait facile 
d y ajouter plusieurs autres, mais l'espace nous manque. Un coup d'oeil suffira pour découvrir à quels 
égards il diffère de l'aigle éployée comme on la représente actuellement. 
Les numéros 17 à 20 font voir les trois grands changements 
de forme que les casques ont subi. Dans chacune 
de ces grandes divisions la mode introduisit de nombreuses subdivisions, auxquelles nous ne pouvons 
nous arrêter. Dans les fig. 21 et 22, on voit le plus 
ancien type de casque que l'on rencontre sur les 
armes, mais ce type n'a guères duré. 
La fig. 17 présente une des formes les plus anciennes. 
Le cimier de ce casque est un vol comme il était 
d'usage à la même époque et qui semble formé de 
deux planchettes d'un quart de cercle, dans le bord 
desquels des plumes ont été introduites. 
Le casque suivant, n°18, date d'une époque postérieure et s'appelait casque des joutes (en allemand 
Stechhelm); le cimier, consistant en deux proboscides, 
est remarquable par leur crête à angles saillants, que 
l'on ornait souvent de boules, de plumes, etc. Nous 
avons ajouté la fig. 19, représentant également un 
casque des joutes, comme un nouvel exemple de la 
liberté intelligente avec laquelle les artistes du moyen-âge traitaient les matières héraldiques. C'est le 
casque d'un duc de Clèves, de l'an 1511, qui portait 
en cimier une tête de boeuf. L'artiste s'aperçut que 
le museau se conformait à la partie saillante du 
casque; il vidait (au figuré) la tête de boeuf, la ti- 
rait sur le casque, entourait les cornes d'une cou- 
ronne et laissait pendre la peau en guise de lam- 
brequins. 
Enfin, au 16e siècle on donnait une forme ronde au 
casque, pratiquait une ouverture sur le devant et y 
mit des grilles, fig. 20. C'est ce dernier type qui, 
avec nombre de modifications, s'est maintenu jusqu'à 
nos jours. 
Les fig. 21 et 22, représentant les armes des familles 
de Helfenstein et de Leiningen (Linange), sont empruntées 
au rouleau d'armes de Zurich, exécuté entre 1280 et 1325 et publié en chromolithographie en 
1860. Dans la première de ces armes, n°21, le 
meuble qui soutient l'éléphant, est un tertre à quatre coupeaux, et le cimier consiste en deux queues 
de paon brochantes l'une sur l'autre. Le n°22 mérite l'attention par son cimier, l'écran, revêtu d'une 
étoffe qui est tirée sur le casque en forme de capuchon. 
Le rouleau d'armes de Constance, commencé en 1547, 
continué dans les années postérieures et conservé à 
la bibliothèque de la ville d'Ueberlingen, située sur 
le lac de Constance, nous fournit dans la fig. 23 les 
armes de la famille de Schwartz en Souabe, remarquables à cause du cimier, que l'on prendrait pour 
une palette de peintre, mais qui est une des formes 
très-anciennes d'une aile ou demi-vol. 
Tout archéologue sait qu'une veine humoristique parcourait 
le moyen-âge; les sculptures dans les anciennes abbayes et cathédrales en font foi. L'art 
héraldique n'a pas été soustrait à cette influence, 
comme il est prouvé par nos dernières flgures. Le n°24, pris dans le rouleau d'armes de Constance, nous 
offre l'écu de la famille von Keutzlingen, en Souabe, 
ayant pour cimier une tête de coq encapuchonnée, 
dont le bec est traité de manière à en faire une figure grotesque. Les armes de la famille de Magugg, 
en Souabe, fig. 25, empruntées au même rouleau, 
portent en cimier un homme issant, s'ébouriffant les 
cheveux et regardant d'un air béat ou bien stupide. 
Les trois dernières figures de notre planche sont imitées de la feuille détachée de l'armorial hollandais 
de 1542, dont il a été question plus haut. Les cimiers 
des numéros 26 et 27 ont également un air grotesque ou 
humoristique. Enfin, l'aigle du dernier écusson, n°28, 
doit à son bec démesuré, qui semble grossi à dessein, un air narquois qui n est pas propre à la gent 
volatile. Ces armes à l'aigle moqueuse portent le 
nom de Morchan, qui est peut-être estropié et n'appartient pas à une famille des Pays-Bas. Les autres écussons sont anonymes.