Petite histoire
de l'art héraldique

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D'après le Traité d'héraldique de Michel Pastoureau, Picard, 1993

D'où viennent les armoiries?

Insignes pseudo- et pré-héraldiques

L'usage de symboles semble être un caractère commun à de nombreuses civilisations qui a conduit à qualifier d'héraldique un certain nombre de systèmes symboliques ayant peu ou prou de ressemblance avec les armoiries européennes médiévales. C'est ainsi que l'on parle assez abusivement d'héraldique japonaise, inca, inuit, ou mésopotamienne.

En Grèce antique, on retrouve sur des monnaies ou des céramiques des représentations de tels symboles, par exemple sur des représentations de boucliers ce qui nous rapproche de l'écu médiéval. Néanmoins, ces symboles ne semblent pas être régis par des règles et ne forment aucun système codifié. Ils n'ont en outre aucune constance, aucun caractère identitaire et encore moins héréditaire. Les villes, les héros, les individus semblent changer constamment d'emblème.

Rome utilisa également ces insignes avec apparemment plus de constance dans le domaine militaire. L'aigle impérial évidemment est le symbole des légions romaines qui possédaient chacune une insigne spécifique constituée généralement par un animal, objet ou divinité.

Les symboles utilisés au Haut moyen-âge sont en revanche très mal connus et sans structures apparentes.

L'apparition des armoiries en Occident médiéval

Les causes

De nombreuses raisons ont été avancées pour expliquer l'apparition des armoiries en Occident. Au XVIIe siècles on en compte une vingtaine dans des ouvrages dédiés à ce sujet ce qui montre dès cette époque un intérêt pour le sujet. Les explications les plus fantaisistes, faisant remonter l'art héraldique aux temps bibliques ou au roi Arthur sont vite abandonnées. Jusqu'au début du XXe siècle, subsistent encore 3 explications plus fouillées : l'origine antique depuis les symboles grecs et romains, l'origine germano-scandinave des runes et insignes familiaux barbares et l'origine orientale par le biais de la première croisade. Cette dernière a longtemps dominé jusqu'à ce que des études plus fines montrent que l'adoption par le monde islamique d'insignes pseudo-héraldiques était postérieure d'un gros demi-siècle à son apparition en Occident.

Il est aujourd'hui admis que la l'apparition des armoiries est consécutive à l'évolution propre de l'équipement militaire en Occident.
En effet l'alourdissement de l'équipement militaire avec le haubert qui recouvre le corps et surtout le casque à nasal qui recouvre le visage empêche l'identification des combattants dans les tournois et les batailles. On voit dans les récits des chefs obligés de se découvrir à la bataille pour se faire reconnaître par leurs soldats. L'usage se répand alors de faire peindre sur le long bouclier en amande porté par les chevaliers des symboles, géométriques, animaux ou floraux dans le but de s'identifier. L'apparition du heaume au XIIe siècle, couvrant complètement le visage à l'exception d'un orifice pour les yeux, finit de rendre les chevaliers complètement inidentifiables. Ce heaume va également se couvrir d'ornements et de figures qui vont devenir plus tard les cimiers.

On ne va parler en revanche d'armoiries qu'au moment où ces symboles deviennent véritablement identitaires, c'est à dire constants pour un même individu et héréditaires (et plus ou moins uniques).

Ce passage de symboles de reconnaissance éphémères et non ordonnés à un système héraldique fixe, codifié, héréditaire n'allait pas de lui-même -aucune autre civilisation auparavant n'avait franchi ce pas- et s'est pourtant déroulé extrêmement rapidement en Occident. Les règles élémentaires de composition des armoiries ainsi que les pièces et meubles se mettent en place de manière uniforme sur un vaste territoire très rapidement sans que l'on ne puisse vraiment l'expliquer.

Cette apparition se fait au plus tôt à la fin du XIe du siècle et plus vraisemblablement vers 1100-1150, d'après les sources qui nous restent de cette période, dans une région qui comprend la France, l'Angleterre normande et l'Empire, du moins sa partie occidentale. Au cours du Moyen-âge, les armoiries se répandront vers l'Europe orientale, les pays scandinaves et la péninsule ibérique.

La diffusion au sein de la société

A l'instar des grands feudataires, premiers possesseurs d'armoiries, la noblesse, la chevalerie puis toute les couches de la population s'emparent de ces symboles.
On considère qu'au XIIIe siècle tout la noblesse occidentale en est pourvue.

Les armoiries vont ensuite déborder du cadre militaire et de leur rôle premier de moyen d'identification au sein d'une bataille pour devenir un moyen d'identification général, entre autre grâce à la généralisation du sceau dans la société. Les nobles guerriers ayant fait ciseler leurs armes sur leurs matrices de sceau, les armoiries deviennent une signature que vont s'approprier par mimétisme femmes et roturiers qui n'en ont aucun usage guerrier.

On trouve des sceaux de femme armoriés à partir du milieu du XIIe siècle dans la haute noblesse et une multiplication de ces armoiries féminines, parfois différentes de celles de l'époux au cours du XIIIe siècle.

Quand, aux bourgeois, on possède des traces de blason à partir du milieu du XIIIe siècle. Certains paysans, même serfs, possédaient également des armoiries qu'ils utilisaient comme marque de propriété. Les villes s'en équipent à partir de la première partie moitié du XIIe, les corporations d'artisans possèdent des armoiries à partir du XIVe siècle...

Il n'y a aucune différence entre les armoiries nobles et celles portées par des roturiers. On trouve généralement plus d'outils et d'instrument de travail dans les armes de bourgeois mais cela ne préjuge en rien l'origine d'un blason : Joinville, le chroniqueur de Saint-Louis, porte des broyes (instrument servant à broyer le lin) dans ses armes alors que bien des bourgeois possèdent des lions par exemple.
Il n'y a jamais eu non plus de restriction du port d'armoiries à une classe sociale comme la noblesse contrairement à la croyance populaire.





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