Armoriaux
Rôle d'armes de Caerlaverock



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Rôle d'armes de Caerlaverock (1300)

Karlaverock chaſteaus eſtoit
Si fors ke ſiege ne doutoit,
Ainz ke li rois iluce veniſt;
Car rendre ne le conveniſt
Jamès mès ke il fuſt à ſon droit,
Guarnys, kant beſoigns en vendroit,
De gens, de engins, e de vitaile.
Cum uns eſcus eſtoit de taile,
Car ne ot ke trois coſtez entour,
E en cheſcun angle une tour;
Mès ke le une eſtoit jumelée,
Tant haut, tant longue, e tant lée,
Ke par deſouz eſtoit la porte
A pont tourniz, bien fait e fort,
E autres deffenſes aſſez.
Se avoit bon murs, e bons foſſez,
Treſtouz pleins de eawe rez à rez;
E croi ke jamès ne verrez
Chaſtel plus bel de lui ſeoir;
Car al vules puet on veoir
Devers le weſt la mer de Irlande,
E vers le north la bele lande,
De un bras de mer avironné,
Si ke il ne eſt creature née
Ki de deuz pars puiſt apriſmer
Sans ſoi mettre en peril de mer.
Devers le ſu legier ne eſt pas;
Car il i a meint mauvais pas,
De bois, de more, e de trenchies,
Si cum la mer les a cerchies,
Où ſeult la riviere encontrer;
E por ce convint le oſt entrer
Vers le eſt, où pendans eſt li mons.

Caerlaverock était un château
Si fort qu'il ne craignait pas le siège,
Car avant que le roi n'y vint lui-même
Il ne lui convenait pas de se rendre,
Jamais, car il était dans son droit,
Garni, quand il y en avait besoin,
D'hommes, d'engins et de victuailles.
Il avait la forme d'un écu
Car il n'avait que trois côtés autour
Et à chaque angle une tour,
Mais l'une d'elle était double
Si haute, si longue et si large
Que la porte était dessous
Avec un pont-levis bien fait et fort
Et assez d'autres défenses.
Il avait de bons murs et de bons fossés
Tous rempli complètement d'eau
Et je crois que vous ne verrez jamais
Château plus joliment situé que celui-ci
Car on pouvait y voir à vue
Vers l'ouest la mer d'Irlande,
Et vers le nord la belle lande
Entouré d'un bras de mer,
Si bien qu'il n'est de créature vivante
Qui puisse approcher des deux côtés
Sans se mettre au péril de la mer.
Au sud, ce n'est pas facile
Car il y a maintes mauvaises passes
De bois, de mares et de tranchées
Comme la mer les a encerclé
Là où elle rencontre la rivière;
Et pour cela, l'ost arriva
De l'est, où s'inclinent les monts.

E Iluec a li rois ſomons
Ses batailes à arengier
En troes, con devoit herbergier.
Lors ve arengierent baneour;
Si veiſt-on meint poigneour
Iluec ſon cheval eſprouver;
E pueſt-on iluec trouver
Troi mil homes de armée gent :
Si veſt-on le or e le argent,
E de toutes riches coulours
Les plus nobles e les mellours,
Treſtout le val enluminer.
Par coi ben croi ke à deviner
Cil du chaſtel peuſſent donques
Ke en tel peril ne furent onques,
Dont il lour peuſt ſouvenir,
Kant enſi nous virent venir.
E tant cum ſi fumes rengié,
Mareſcal orent herbergiés,
E tout par tout places liverées,
Lors veiſt-on maiſons ouvrées,
Sanz charpentiers e ſanz maſons,
De mult de diverſes façons
De toile blanche e toile tainte;
Là ot tendue corde meinte,
Meint poiſſon en tere fiché,
Maint grant arbre à tere trenchié,
Por fere loges ; e fuellies,
Herbes e flours, es bois cuellies,
Dont furent joinchiés dedenz.
E lors deſcendirent nos genz.

Et ici, le roi a sommé
Ses bataillons à s'arranger
En trois, comme s'ils devaient cantonner.
Alors les bannières s'arrangèrent
Et on vit maint cavalier
Éprouver leur cheval,
Et l'on put également trouver
Trois mille hommes d'armes
Et l'on vit l'or et l'argent
Et de toutes les riches couleurs,
Les plus nobles et les meilleurs
Illuminer entièrement le val
Pour cela, je crois bien que
Ceux du château purent donc deviner
Qu'ils ne furent jamais en tel péril,
Du plus loin qu'il leur puisse souvenir;
Quand enfin ils nous virent venir.
Et quand nous fumes rangé
Les maréchaux organisèrent l'hébergement
Et donnèrent des places partout.
Alors, on vit des maisons se dresser
Sans charpentiers et sans maçons,
De moult et diverses façons
De toile blanche et de toile teinte;
Là, on avait tendu maintes cordes, Maints poinçons fichés en terre,
Maints grands arbres tranchés à terre,
Pour faire des logis, et les feuilles
Les herbes et fleurs, cueillies dans les bois,
Furent jonchés à l'intérieur.
Et alors nos gens descendirent.

A ki tantoſt ſi bien avint
Ke la navie à tere vint,
O les engins e la vitaile.
E jà comencoit la pietaile
Au devant du chaſtel aler;
Si veiſt on entre eus voler
Pieres, ſajettes, e quareaus.
Mès tant chier changent lour meraus
Cil de dedenz à ceux dehors,
Ke en petite houre pluſours cors
I ot bleſciez e navrez,
E ne ſai quanz à mort livrez.

Peu après, il advint heureusement
Que les navires vinrent à terre
Avec les engins et les victuailles.
Et déjà la piétaille commençait
À aller au devant du château;
Aussi vit-on voler entre eux
Pierres, sagettes et carreaux.
Mais ils échangèrent si bien leurs projectiles
Ceux de dedans avec ceux de dehors
Qu'en une petite heure, plusieurs corps,
Il y avait de blessés et de navrés
Et je ne sais combien livré à la mort.

Kant les genz de armes percurent
Ke li ſergant tels maus recurent
Ki comencié orent le aſſaut,
Meint en i court, meint en i ſaut,
E meint ſi haſte ſi de aler,
Ke à nulli ne en daigne parler.
Lors i peuſt on reveoir
Auſi eſpès pieres chaoir,
Cum ſi on en deuſt poudrer,
E chapeaus e heames effondrer,
Eſcus et targes depeſcier;
Car de tuer et de bleſcier
Eſtoit le ju dont cil juoient;
Ki a granz cris ſe entrehuoient
Kant mal veoient avenir.

Quand les gens d'armes perçurent
Que les sergents qui avaient commencé l'assaut,
Recevaient de tels maux,
Maint d'entre eux coururent, maints sautèrent
Et maints avaient si hâte d'y aller
Qu'à nul ils ne daignent parler.
Alors, on put revoir
Tomber d'aussi épaisses pierres
Comme s'il en pleuvait
Et des chapeaux et des heaumes s'effondrer,
Écus et targes mis en morceaux,
Car de tuer et de blesser,
Était le jeu auquel ils jouaient
Avec de grands cris de l'un à l'autre
Quand advenait des dégâts.

La vi-je primer venir
Le bon Bertram de Montbouchier;
De goules furent trois pichier
En ſon eſcu de argent luiſant,
En le ourle noire li beſant.

Bertrand de Montbouchier
88. Bertram de Montbouchier
Bertrand de Montbouchier
D'argent à trois pichets de gueules, à une bordure de sable chargée de besants d'or

Là vis-je arriver en premier
Le bon bertrand de Montbouchier.
Trois pichets de gueules furent
En son écu d'argent luisant
Et sur une bordure noire des besants.

Gerard de Gondronville o li,
Bacheler legier e joli;
le eſcu vair, ne plus ne meins.
Ciſt ne orent pas oiſeus meins,
Car meinte pere amont offrirent,
E meinte peſant coup ſouffrirent.

Gérard de Gondronville
89. Gerard de Gondronville
Gérard de Gondronville
De vair plain

Gérard de Gondronville avec lui,
Bachelier actif et joli,
Avait un écu de vair, ni plus, ni moins.
celui-ci n'avait pas des mains oisives
Car elles envoyèrent maints pierres
Et souffrirent maints pesants coups.

Bretouns eſtoit li primerains,
E li ſecunds fu Loherains,
Dont nuls ne troeve le autre lent,
Ainz donnent baudour e talent
As autres de ſe i acuellier.
Lors vint le chaſtel aſſaillir
Li Fiz Mermenduc, à baniere,
O une grant route e pleniere
De bon bachelers eſleus.

Les bretons étaient les premiers
Et les seconds furent les lorrains
Dont nul ne trouve l'autre lent,
Ainsi ils donnent par encouragement et émulation
Aux autres de les imiter.
Alors, vint pour assaillir le château
Fitz-Marmaduke avec sa bannière
Et une grande et pleine troupe
De bons et choisis bacheliers.

Robert de Wileby veus
I fu, en or de inde fretté.

Robert de Willoughby
90. Robert de Wileby
Robert de Willoughby
D'or fretté d'azur

Robert de Willoughby je vis,
Il y fut en or fretté d'indigo.

Robert de Hamſart tout apreſté
I vi venir, o bele gent,
Rouge o trois eſtoiles de argent,
Tenant le eſcu par les enarmes.

Robert de Hamsart
91. Robert de Hamsart
Robert de Hamsart
De gueules à trois étoiles d'argent

Robert de Hamsart tout apprêté,
Je vis venir, avec une belle troupe,
Rouge à trois étoiles d'argent,
Tenant l'écu par la courroie.

Henri de Graham unes armes
Avoit vermeilles cumme ſanc,
O un ſautour e au chief blanc,
Où ot trois vermeilles cokilles.

Henri de Graham
92. Henri de Graham
Henri de Graham
De gueules à un sautoir d'argent, au chef du même chargé de trois coquilles du champ

Henri de Graham, ses armes,
Avait vermeilles comme le sang
À un sautoir et au chef blanc
Où il avait trois coquilles vermeilles.

Thomas de Richemont, ki killes
Feſoit de lances derechief,
O deus jumeaus de or e au chief
Avoit vermeilles armeures.
Ciſt ne vont pas cum gens meures,
Ne cum genz de ſen alumées,
Mès cum arſes e enfumés
De orguel e de malencolie;
Car droit ont lour voie acuellie
Juk à la rive du foſſé.

Thomas de Richmont
93. Thomas de Richemont
Thomas de Richmont
De gueules à deux jumelles d'or et au chef du même

Thomas de Richmont, qui, des quilles
faisait derechef, avec des lances,
À deux jumelles et au chef d'or
Il avait une armure vermeille.
Ceux-ci ne vont pas comme des gens discrets
Ni comme des gens rempli de bon sens
Mais comme des gens enflammés et aveuglés
D'orgueil et de mélancolie.
Leur voie fut droite
Jusqu'à la rive du fossé.

E cil de Richemont paſſé
A meintenant juques au pont;
Le entré demande; on li reſpont
De groſſes pieres e cornues.
Wilebi en ſes avenues
Ot une piere en mi le pis,
Dont bien devroit porter le pis
Son eſcu, ſi le daignoit faire.

Et ceux de Richmont passés
À ce moment jusqu'au pont ;
Il demande l'entrée, on lui répond
De grosses pierres et des piques.
Willoughby en ses avances
Reçu une pierre au milieu de la poitrine
Dont le pire du choc aurait pu être supporté
Par son écu, s'il avait daigné le faire.

Li fiz Mermenduc cel affaire
Tant entrepiſt à endurer,
Cum li autre i porent durer,
Car il eſtut cum une eſtache;
Mès ſa baniere ot meinte tache
E meint pertuis à recouſtre.

Fitz-Marmaduke en cette affaire
Entreprit d'endurer autant
Que les autres purent durer
Car il était comme un pieu
Mais sa bannière avait maintes taches
Et maintes déchirures difficiles à recoudre.

Hamsart tant noblement ſe i mouſtre,
Ke de ſon eſcu moult ſouvent
Voit on voler le taint au vent.
Cer il e cil de Richemont
Ruent lour pieres contremont,
Cum ſi ce fuſt as enviales;
E cil dedenz à deffiailes
Lour enchargent teſtes e cous
De l'emcombrance de granz cups.

Hamsart s'y montra tant noblement
Que de son écu bien souvent
Vit-on voler la couleur au vent,
Car lui, et ceux de Richmont
Envoient leurs pierres vers le haut
Comme si ce fut un jeu.
Et ceux dedans en défense
Chargent leurs têtes et cous
Par le poids de grands coups.

Cil de Graham ne fu pas quites;
Car ne vaudra deus pomes quites
Kanques entere emportera
De l'eſcu, kant s'en partira.

Ceux de Graham n'en furent pas quittes ;
Car ne vaudra pas plus de deux pommes
Ce qu'il emportera entier de l'écu
Quant il repartit

Es-vous la noiſe comencie;
Ovoec eus ſe eſt entrelancie
De genz le roi une grant maſſe,
Dont ſi je touz les nons nomaſſe,
E recontaiſſe les bons fais,
Trop m'en ſeroit peſans li fais,
Tant furent e tant bien le firent.
E non porquant pas ne ſouffirent,
Sanz la maiſnie au fiz le roi,
Ki moult i vint de noble aroi.
Kar meinte targe freſchement
Peinte e guarnie richement,
Meinte heaume, e meint chapeau burni,
Meint riche gamboiſon guarni
De ſoi e cadas e coton,
En lour venue veiſt-on,
De diverſes tailles e forges.

Écoutez le tumulte commencer,
Avec eux s'est mêlé
Une grande masse des gens du roi
Dont, si je nommais tous les noms
Et racontais tous les faits
La tâche me serait trop pesante
Tant ils furent et si bien ils firent.
Pourtant, ils ne suffirent pas
Sans la maisnie du fils du roi
Qui arriva nombreuse en noble équipage.
Car de nombreuses targes fraîchement
peintes et richement garnies,
De nombreux heaumes et chapeaux polis,
De nombreux riches gambisons garnis
De soie, étoupe et coton,
vit-on à leur venue,
De diverses tailles et fabrications

Ilueques vi-je Rauf de Gorges,
Chevalier nouvel adoubé,
De peres à tere tumbé,
E defoulé plus de une foiz;
Car tant eſtoit de grant bufoiz,
Ke il ne s'en deignoit departir.
Tout ſon harnois e ſon atire
Avoit maſclé de or e de aſur.

Ralph de Gorges
94. Rauf de Gorges
Ralph de Gorges
Losangé d'or et d'azur

Ici je vis Ralph de Gorges
Chevalier nouvellement adoubé,
Tombé des pierres à terre
Et meurtrit plus d'une fois
Car il était d'un si grand esprit
Qu'il ne daignerait pas se retirer.
Tout son harnois et son attirail,
Il avait maclé d'or et d'azur.

Ceus ki eſtoient ſur le mur
Robert de Tony mult grevoit;
Car en ſa compaignie avoit
Le bon Richart de la Rokelé,
Ki ceus dedenz ſi enparkelé,
Ke moult ſouvent les fait retraire.
Cil ot ſon eſcu fait portraire
Maſclé de goules e de ermine.

Richard de Rokesle
95. Richart de la Rokelé
Richard de Rokesle
Losangé de gueules et d'hermine

Ceux qui étaient sur le mur
Accablaient beaucoup Robert de Tony
Car en sa compagnie, il avait
Le bon Richard de Rokesle
Qui si bien combattait ceux dedans
Qu'il les obligea souvent à se retirer.
Il avait fait peindre son écu
Maclé de gueules et d'hermine.



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